Nous recevions, il y a quelques jours, la visite de Henri C..., âgé de 14 ans et apprenti pâtissier depuis deux mois.
Bien que déjà au courant des conditions spéciales du travail en boulangerie et en pâtisserie, nous ignorions qu’elles fussent pour certains un esclavage organisé.
Henri est engagé le 1er septembre chez un patron au salaire de 50 francs par mois, logé et nourri. Le surcroît de travail du dimanche l’empêche d’accorder à son apprenti une heure pour assister à la messe et, après accord avec !e curé de la paroisse ( !!), il consent à l’autoriser à accomplir ses devoirs religieux un jour en semaine; inutile de dire qu’il attend toujours l’autorisation.
La limitation de la durée du travail est inconnue et rendue plus difficile du fait que l’apprenti fait un peu partie de la famille.
Le premier mois, Henri travaille de 5 h. 30 à 8 heures du soir, soit donc 14 heures et demie par jour; le second mois, le patron lui alloue généreusement un supplément mensuel de 10 francs, mais.... l’invite à commencer à 1 h. 30 du matin, soit donc 15 heures et demie par jour (fr. 0.17 de l’heure).
Le dimanche, il se lève à 1 heure du matin, pour terminer à 2 heures de l’après-midi, et, pendant les fêtes du quartier, il a pu travailler huit jours durant jusqu’à 10 heures du soir (17 heures et demie par jour !).
Ah ! si l’on savait ce que coûte de peines, d’efforts, ces petits pistolets bien chauds, ces petites tartes bien fraîches, l’on serait — peut-être — un peu moins exigeant dans ses goûts, et l’on assurerait aux autres comme à soi un repos dominical bien mérité.
Dire que dans une société soi-disant civilisée il faille relever des faits de ce genre! Nous sommes convaincus que si tous nos amis osaient mettre sur papier les situations qu’ils connaissent, il y aurait beaucoup d’indifférents qui ouvriraient de grands yeux.
Oui, c’est un devoir pour tous les Jocistes de signaler à leur Fédération régionale les cas qu’ils rencontrent, et si certaines améliorations ne sont pas apportées aux conditions de travail, notre indifférence est grandement responsable.
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A côté de la question salaire, durée, il y a bien d’autres questions qui doivent nous préoccuper : moralité, hygiène, sécurité du travail, sont des domaines pour lesquels notre attention n’est pas assez éveillée.
Il existe à Bruxelles une usine ayant pour objet la fabrication de boutons en galanite (composé de fromage sec, petit lait et produits chimiques).
Les apprentis débutent à 1 fr., 1 fr. 25 de l’heure et font 52 heures par semaine.
Il y a dans le personnel une partie d’ouvriers et apprentis qui sont sujets à certains malaises physiques, notamment les ouvriers de la section de moulage.
Jean M..., Jociste, qui y travaille avec son frère, se plaint, ainsi que son camarade apprenti, d’être sujet le soir à de violents maux de tête et, le matin, à des saignements de nez très fréquents. La cause en est à l’inhalation des poussières produites par le frottement du produit sur la meule.
Certains ouvriers, malgré les verres qu’ils portent sont atteints d’inflammations aux yeux, et l’un d’eux a dû s’aliter par suite de maux de tête insupportables.
Nous avons signalé la chose à M. l’inspecteur général du travail, afin qu’une enquête soit menée pour garantir la santé et la sécurité des ouvriers, et surtout des apprentis, dans ce genre d’industrie.
P. G.
SOURCE
La Jeunesse Ouvrière, N° 22, 20 novembre 1925
Version Google Docs
https://drive.google.com/open?id=1j26ul0QV9Il1sVt_2WY7LFqlnkVsU2LXSpKCmRnGxzI
Version PDF
https://drive.google.com/open?id=1fV47FITcMb9h6LhbRMhhOmPzYizZfp4d